MON CHEMIN VERS COMPOSTELLE

LA VOIE D’ARLES

Je suis partie après presque une année de préparation pour accomplir d’abord un rêve, qui est vite devenu une aventure et presque un défi. C’est durant la première semaine que presque tout se joue : habituer son corps à la marche quotidienne, faire en sorte que le sac à dos devienne partie intégrante de votre corps, vivre avec deux personnes que vous pensiez connaître mais qu’en fait vous ne connaissez presque pas, surtout devant l’adversité, se faire accepter par ces deux personnes car elles non plus ne vous connaissaient pratiquement pas. Mes ronflements nocturnes ont failli me faire déclarer forfait, seul paramètre je crois que je n’avais pas intégré dans ma préparation.

Malgré la déferlante d’éléments nouveaux dans ma vie de pèlerine, un seul objectif : arriver à Santiago et accomplir mon rêve. Je me suis demandé à des moments forts en baisse de moral « mais qu’est-ce que tu fiches là ? » et de suite arrivait la question salvatrice « mais où voudrais-tu être à cet instant ? Tu es sous la pluie et dans le froid alors que tu pourrais être devant ta cheminée lovée dans ton canapé. Eh bien non Danielle ! tu es là où tu veux être : sac au dos, sur les chemins de Santiago, à lutter contre cette météo des Saints de Glace qui n’a vraiment rien de saint ! et surtout tu es là à te dépasser... ». Je peux aujourd’hui résumer tous ces éléments en deux mots LA MOTIVATION.

La motivation à arriver au bout de mon chemin m’a tout fait supporter, tolérer, accepter. J’ai beaucoup prié, même si beaucoup d’églises restaient fermées à notre passage, c’était un réel plaisir et un véritable instant de grâce quand nous arrivions à nous agenouiller un instant devant un autel en présence du Seigneur et de rester un moment dans le silence et le recueillement. À chaque fois que je me relevais, je reprenais mes bâtons et mon chemin, apaisée et remotivée. Les obligations sur notre chemin c’est : marcher, se nourrir, s’avoir où dormir, où se laver, prendre soin des affaires dans notre sac qui est devenu l’essentiel logistique de notre quotidien.

Départ de Sost
Départ de Sost
Premières coquilles sur le GR 78
Premières coquilles sur le GR 78
Chemin de plus en plus beau
Chemin de plus en plus beau
Jolie balise près de Moumour
Jolie balise près de Moumour
Petit pont avant l’Hôpital Saint-Blaise
Petit pont avant l’Hôpital Saint-Blaise
Je suis sous la protection de la Vierge d’Orisson
Je suis sous la protection de la Vierge d’Orisson
Cherchez la direction de la coquille
Cherchez la direction de la coquille
Chemin fleuri
Chemin fleuri
L’ombre du pèlerin
L’ombre du pèlerin

Le chemin c’est donc aussi la liberté de ne plus se plier aux exigences de notre vie « normale ». Pendant 6 semaines j’ai été débarrassée de tout cela et je suis allée à l’essentiel. J’ai donc retrouvé 80 % de mon temps à laisser aller mes pensées à autre chose : retour sur le cours de ma vie, mes joies, mes chagrins, mes envies, mes défaites, mes désillusions, mes enfants, ma famille, mon mari, mes amis, mes copains, mes connaissances, ceux qui nous ont quittés, tout et tous y sont passés… dans ces moments-là aussi j’ai beaucoup prié....

Superbe chemin
Superbe chemin
Sur le GR 78 après Nestier
Sur le GR 78 après Nestier
Sur la route de Lourdes
Sur la route de Lourdes
Traversée des Baronnies
Traversée des Baronnies
Près de Asson
Près de Asson
Notre hôtel pour un soir
Notre hôtel pour un soir
Toujours suivre la flèche
Toujours suivre la flèche

Le chemin c’est un retour à une véritable osmose avec la nature. Je n’ai jamais passé autant de temps dans ma vie au sein de la nature, je l’ai foulée pendant 37 jours entre 7 et 9 heures par jour, donc forcément les liens qui me liaient déjà à celle-ci n’en ont été que renforcés.

Je reste à l’écoute de chaque bruit, des chants des oiseaux, je respire tous les parfums ou odeurs, je prends le temps de regarder la faune, la flore, je les apprécie, je les aime moins et je les déteste même parfois. Mais tout cela fait partie de moi, ils vont m’accompagner, m’occuper, me distraire pendant mon long périple. Le chemin c’est aussi beaucoup de rencontres, même si la COVID avait réduit considérablement le nombre de pèlerins, j’ai rencontré des Bretons, un Marseillais, un Picard, des Belges, des Italiens, des Anglais, des Espagnols de diverses régions d’Espagne, une jeune Hongroise, un Lithuanien... c’est vraiment fabuleux d’échanger, de partager avec tous ces pèlerins qui, pour diverses raisons, ont entamé ce périple mais, pour finir, ils sont dans ce même état d’esprit que moi. Beaucoup de moments de véritable bonheur à se rencontrer ou à se retrouver avec certains sur plusieurs étapes,

même à se suivre jusqu’au jour suprême de l’arrivée devant la cathédrale monumentale de Santiago, à tomber dans les bras en pleurant d’émotion sous une pluie battante... DU BONHEUR !!! Je garde encore aujourd’hui des contacts avec certains de ces pèlerins.

Danielle BARRAL, mai 2021